Probabilités au bridge : Comment elles changent dans le courant du jeu

Des probabilités « a priori » aux probabilités « a posteriori »

Pour tous les calculs j’utilise des arrondis ce qui peut modifier très légèrement les résultats.

Si vous n’avez pas encore le tableau des probabilités « a priori » ouvrez le fichier pdf.

Un exemple de changement de probabilités

Prenons un exemple d’évolution des probabilités : On a AR864 avec 53 en face. Il y a 6 cartes manquantes.

On tire AR en tête et les opposants jouent chacun 2 petites cartes. Au départ quand aucune carte n’a encore été jouée la probabilité d’une répartition 3-3 des cartes manquantes est de 36% et 48% pour une répartition 4-2.
Mais après 2 coups joués il y a 2 répartitions qui ont disparu : 6-0 et 5-1. Ce qui fait qu’à elles seules les répartitions 3-3 et 4-2 représentent maintenant 100% des combinaisons possibles alors qu’avant elles ne représentaient que 84% des 30 combinaisons possibles. Bon, cela dit, les 16% qui ont disparu doivent être répartis proportionnellement entre 3-3 et 4-2 ce qui fait que 3-3 devient 43% et 4-2 devient 57%. Le rapport entre les deux reste le même.

On voit qu’après les 2 premières levées, s’il y a un choix à faire entre une impasse dans une couleur et la répartition 3-3 d’une autre couleur, c’est toujours l’impasse qu’il faut privilégier.

Un autre exemple

Voici un autre exemple d’évolution des probabilités : On a maintenant ARD64 avec 53 en face.
On tire AR en tête et les opposants jouent chacun 2 petites cartes. Disons que dehors il y a encore V10. Question : est-ce que le Valet est maintenant plutôt sec ou doubleton ?
Si les adversaires n’ont pas joué le Valet lors des 2 premières levées c’est qu’au départ le Valet n’était ni singleton ni doubleton. Cela veut dire que toutes les combinaisons correspondant à Vx ont disparu des 30 combinaisons possibles d’une distribution 4-2. Si vous vous référez au tableau vous verrez que cela représente 10 combinaisons de la distribution 4-2, soit 16%. La probabilité du 4-2 tombe donc de 48% à 32% (48-16), alors que la probabilité du 3-3 reste inchangée.
Conséquence le Valet est maintenant plus probablement sec que second dans une proportion de 36 contre 32 ou plus simplement environ 11 chances contre 10, ou 53% pour le 3-3 et 47% pour le 4-2.
Si vous avez appris la règle des 7/9/11 on vous a dit qu’avec 7 cartes dont ARD, le Valet est plus probablement 3ème que 4ème. L’exemple ci-dessus illustre cette règle.

Attention : Cela ne veut pas dire qu’on doit jouer aveuglément. Si on a d’autres informations qui jouent un rôle alors il faut bien entendu en tenir compte !

La difficulté c’est d’anticiper le calcul des probabilités

On a vu comment les probabilités au bridge permettaient de choisir « a priori » comment manipuler une couleur ou choisir un plan de jeu. Sans autres informations c’est sur les probabilités a priori qu’on bâtit son plan de jeu.
Cependant dès qu’une ou plusieurs cartes ont été jouées, et ceci dès la carte d’entame, les probabilités vont changer de sorte qu’une ligne de jeu qui paraissait plus favorable au départ peut devenir moins bonne par la suite.
La difficulté c’est souvent d’anticiper ce qui pourrait se passer si ….
C’est pour cela qu’il faut avoir de bonnes bases pour évaluer les probabilités au bridge et comment elles évoluent.

Exemple 1

Version 1

D8754
65
854
AD5
AR
A4
AR73
V10543

Contrat par Sud : 3SA
Entame : 3 de

Analyse

On a 10 levées (3 , 1 , 2 et 1 ) – Il manque 2 levées.
On ne peut pas rendre la main. Il faut donc trouver les 2 levées manquantes soit à si les sont 3-3 soit à si le Roi peut être pris en impasse.
La difficulté c’est qu’on ne peut pas tester les et ensuite faire l’impasse si les sont 4-2, car on ne peut remonter au mort qu’une seule fois avec l’As de . Il faut donc se décider dès qu’on a joué AR de : On remonte au mort avec l’As de ou on fait l’impasse ?

Dehors il y a au départ V109632. Même si on voit V10 joués par l’un des adversaires sur AR, une des mains peut encore avoir le 9. Ce 9 n’ayant pas été vu sur AR on ne peut pas, de ce fait, supprimer 10 combinaisons du 4-2. Le 4-2 reste donc toujours à 48%. C’est aussi vrai si c’était le Valet ou le 10 qui n’avait pas été joué. Cela veut dire que la probabilité a priori du 3-3 et du 4-2 n’a pas changé. Il est donc plus probable qu’il reste 2 cartes dans l’un des mains adverses (48 chances contre 36).
Conséquence : il faut jouer sur l’impasse (51%, le roi peut être sec en Ouest d’où le gain de 1%)).

Version 2

D10754
65
854
AD5
AR
A4
AR73
V10543

J’ai remplacé le 8 de par le 10. Est-ce que cela change quelque chose ?

Analyse

L’analyse de départ est exactement la même.

Dehors, il y a V98632. Dans la version 1, 3 cartes supérieures au 8 pouvaient être 4èmes, dans le cas présent il n’y en a qu’une seule supérieure au 10 : le Valet.

On a vu plus haut que s’il restait encore une carte supérieure au 8 on ne pouvait pas changer de nombre de combinaisons du 4-2. Ici c’est le contraire, si le Valet n’est pas joué sous AR, le Valet n’était pas doubleton, et on peut donc ôter 10 combinaisons des 30 possibles de la distribution 4-2. La distribution 3-3 devient plus probable que la distribution 4-2.

Conséquence : Il faut jouer sur la répartition 3-3 des (11 chances pour le 3-3 contre 10 pour le 4-2) sans faire l’impasse .

Exemple 2

A4
RV6542
AR
V86
R963
A
9542
R1095

Contrat par Sud : 3SA
Entame : 6 de

Analyse

On a 6 levées (2 , 2 , 2 ) – Il manque 3 levées.

Si l’impasse à la Dame de réussit on a 3 levées.
Si les sont 3-3 on a aussi 3 levées où que se trouve la Dame de .

Si on joue sur les il faut 2 remontées au mort : 1 à et 1 à . Dans ce cas il faut absolument que les soient 3-3 car on ne peut plus tester les sans rendre la main.

Si on joue sur les et que l’impasse rate, Ouest va renvoyer , rendant les inexploitables. Il faudra compter sur les 3-3 (36%).
On a une probabilité de la forme (A ou B), soit (51 ou 36)% = 69%. (51% car la Dame peut être singleton)

Conclusion : Il faut commencer par tester les .

Exemple 3

R103
98
AD9754
52
ADV9654
AR
6
R74

Contrat par Sud : 6
Entame : 7 de , Est fournit

Analyse

On a 2 perdantes à .
Si l’As de est en Est on gagne (50%).
On peut aussi envisager d’affranchir les .
Si les 6 cartes manquantes sont 4-2 (48%) il faut remonter 2 fois au mort pour les coupes et une autre fois pour jouer les 2 affranchis, soit 3 remontées, ce qui n’est pas possible puisque les remontées ne peuvent se faire qu’à .
Si les cartes manquantes sont 3-3 (36%) on n’a besoin que d’une remontée après l’As de pour couper le 3ème . Il reste encore 1 pour revenir au mort et encaisser les 2 affranchis.
Cependant, une fois au mort au 2ème coup de , on est quand même au pied du mur : si on coupe le 3ème et que les ne sont pas 3-3 on chute.
Quelle décision prendre ? Regardons comment les probabilités évoluent après les 2 premières levées à . C’est à partir de la qu’on peut prendre la décision.

Probabilités

L’expasse est à 50%.
La répartition 3-3 des est à 36% a priori. Mais sur les 2 premiers coups joués à si le Roi tombe cela veut dire que la probabilité du 4-2 a changé. Il y a 10 combinaisons de moins. Le 4-2 est tombé à 32%. Dans ce cas il est plus probable de gagner en jouant les 3-3 et couper encore une fois. Si cela ne fonctionne pas il faut faire l’expasse .
On est dans le cas (A ou B) : (36 ou 50)% = 54% (arrondi)
Si le Roi n’est pas tombé la probabilité du 4-2 n’a pas changé. Mais comme on ne peut pas couper encore 2 fois il faut jouer pour l’impasse (50%).

La différence n’est pas bien grande entre les deux lignes de jeu mais dans la durée c’est celle à 54% qu’il faut toujours choisir.

Vidéo complémentaire

Sur ma chaîne YouTube je mets en ligne une vidéo concernant cette donne (Probabilités au bridge – chapitre 4). Elle est analysée avec les 4 mains, carte par carte. J’y analyse aussi la même main sans l’entame atout, et aussi la même main en intervertissant le 3 et le 4 de , avec l’entame atout et sans l’entame atout. Vous verrez que les choses peuvent changer du tout au tout alors que la différence paraît si insignifiante. Ah, le bridge ! C’est quelques fois à s’arracher les cheveux.
Surveillez ma chaîne YouTube.

Le mot de la fin sur l’évolution des probabilités au bridge dans le courant du jeu

Ce chapitre termine l’étude sur les probabilités a priori et a posteriori, et comment les probabilités au bridge changent dans le courant du jeu. C’est très important de s’en souvenir car dans bien des cas le plan de jeu va être construit à partir de probabilités a priori alors qu’en anticipant leurs changements on peut mettre en place un autre plan de jeu plus performant.
J’espère que les exemples analysés vous ont montré que ce n’était pas aussi compliqué et abstrait qu’on ne l’imagine. Ok ! Quelques fois c’est quand même difficile d’y voir clair.

Il existe d’autres sujets tels ceux relatifs au « moindre choix » ou à « la loi d’attraction » dont je ne parlerai pas car ils sont sujets à polémiques pour lesquelles je ne veux pas donner mon avis ici. Je ne souhaite traiter que de sujets indiscutables.

Dans les chapitres qui vont suivre, et qui concernent toujours les probabilités, je vous parlerai d’un sujet extrêmement important : Les places vacantes. C’est une autre façon d’évaluer les probabilités dans le courant du jeu, qui me semble plus simple d’approche.

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La méthode que j’utilise est concrète et pratique, mais il faut quand même un niveau de bridge suffisant. Tout ce qui est étudié est illustré de donnes qu’on joue ensemble carte par carte.
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